Après le cataclysme l'embellie

Après le cataclysme, l'embellie

Pépette, vole à tire d’aile dans les couloirs du palais.

“Oh la la, c’est pas possible ! Quelle catastrophe ! Il fallait que cela nous arrive maintenant, mais comment allons nous faire pour nous en sortir ! Pour survivre à ce terrible cataclysme !”

La petite fée, l’air grave et inquiet, descend les escaliers quatre à quatre, manque de renverser plusieurs domestiques qui vaquent à leurs occupations et poursuit sa folle course en direction de la grande salle d’apparat du château.

Elle déboule comme une furie, franchissant la porte au nez des gardes, à moitié assoupis.

Elle vole vers la grande table, autour de laquelle le conseil des ministres est réuni.

Pépette attrape Onirym, le seigneur du royaume, par les épaules et éclate en sanglots !

Onirym : mais qu’est ce qui se passe Pépette ? Pourquoi es-tu dans cet état ?

Pépette : Sir c’est terrible ! Un grand danger nous menace ! Je ne sais pas comment nous allons faire pour nous en sortir ! Il faut agir et vite, c’est la survie du royaume, que dis-je de tout Elvenar qui est en jeu !

Autour de la table, les notables prennent la mesure de l’urgence, en voyant l’état, paniquée de Pépette.

Onirym : calmez vous ma chère, essayez de reprendre votre souffle et expliquez-nous vite ce qui se passe.

Garmir, le capitaine des Gardes, prend la parole : ça ne doit pas être grave … Sinon mes gardes m’auraient alertés du danger.

Thondurm barbe de bronze, le grand chambellan du royaume éclate de rire. De sa grosse voix grave il lance à l’intention de Sir Garmir : enfin voyons capitaine ! Vous ne pouvez pas dire cela ! Le jour où vos gardes verront quelque chose, ce sera un miracle ! Ils passent leur temps à somnoler ou à jouer aux dés ! Un troupeaux de bisons pourrait passer sous les murailles de la cité qu’ils ne s’en rendraient même pas compte !

Garmir devient tout rouge et répond d’un ton vif : c’est vrai que nos gardes ne sont pas les plus futés du monde. Mais quand même vous y allez fort maître nain, un troupeau de bisons ! Déjà il n’y a pas de bisons dans les environs, ensuite, c’est quand même suffisamment gros et bruyant ! Je suis sûr qu’ils les remarqueraient ! Un troupeau de lapins, de belettes ou de chats, je dis pas, mais un troupeau de bisons, quand même !

Thondurm : n'essayez pas de dévier la conversation, les bisons, c’était une image, un symbole, ne jouez pas sur la taille des animaux !

Sir Fribon, le grand argentier du palais, reprend, d’une voix calme : et puis on voit rarement des troupeaux de lapins … Ou de chats …

Onirym s’éclaircit la voix et prend la parole : bien, c’est vraiment super comme débat, j’adore, et je suis sûr qu’on pourrait en parler encore longtemps, mais je vous rappelle tout de même que Pépette à quelque chose de très important à nous dire ! Pépette, nous t’écoutons.

La petite fée fait des efforts désespérés pour se calmer, et reprendre son souffle.

Tout le monde à les yeux rivés sur elle, suspendus à ses lèvres, prêts à écouter la terrible nouvelle.

 Pépette : et bien voilà messieurs, je vais faire court car sinon je sens que je vais encore pleurer … Oh la la c’est si terrible … Bon, j’y vais, mais avant vous devez me promettre de ne pas m’en vouloir d’être le messager, bien involontaire, d’une si terrible catastrophe …Sachez également que ce n’est pas ma faute et …

Thondurm la coupe sèchement : et si vous pouviez en venir au fait, ça commence à devenir terriblement inquiétant votre histoire ! Et moi j’aime pas être inquiet, parce qu'après le stress ça me fait perdre les poils de barbe.

Onirym : merci pour cette intervention capillaire de la plus haute importance, maître nain, mais laissez parler Pépette, sinon on ne va jamais s’en sortir !

Pépette, les yeux rougis par les larmes, la voix cassée par l’émotion déclare : et bien voilà. Il n’y a plus de cornichons …

Un ange passe sur l’assemblée, tous les participants sont médusés par les paroles de la petite fée.

Sir Fribon est le premier à répondre : oui ? Et alors ?

Pépette devient alors hystérique, volant au travers de la pièce en battant rageusement de ses petites ailes, gesticulant, paniquée.

Elle crie, de sa voix suraiguë : Quoi ??? Mais comment pouvez-vous être aussi indolent ? Vous ne voyez pas le soucis ? Vous ne percevez pas l’urgence de la situation ? Vous n'anticipez pas la gravité de l’apocalypse qui s’annonce ?

Sir Fribon, toujours sur un ton neutre et blasé : franchement ? Non.

Pépette se précipite vers lui, et tire frénétiquement sur sa petite barbiche : mais dans une semaine nous faisons notre pic-nic annuel, au pied du grand chêne, dans la forêt. Il y aura des centaines de gens ! Tout le monde en ville et dans les environs attend ce moment de joie et de liesse avec impatience ! Mais s’il n’y a pas de cornichons, comment allons-nous faire pour préparer les sandwichs ?

Le capitaine Garmir, plongé dans une intense réflexion répond : c’est vrai que c’est un gros problème, les tartines de terrines de sanglier ou les sandwichs au jambon, c’est pas bon s’il n’y a pas de cornichons dessus !

Thondurm hoche la tête vivement et déclare : ca c’est bien vrai ! Le cornichon c’est la vie ! Il sublime tous les plats et c’est un élément incontournable de tout bon pic-nic qui mérite ses lettres de noblesse. On est sacrément dans la m…

Fribon : quelqu’un pourrait dire à Pépette de me lâcher ?

Onirym : bon ne paniquons pas les amis. Je pense que tous, autour de cette table, avons pris la mesure de la gravité des événements ! Sauf peut être Sir Fribon, mais Pépette s'emploie à lui faire comprendre l’urgence. 

Fribon : Pépette vous pouvez me lâcher, ca commence à faire mal !

Pépette lâche la barbichette de Sir Fribon et se laisse tomber dans un fauteuil. Le regard vague, le visage déformé par l’angoisse, elle marmonne : c’est terrible … c’est terrible …

Onirym reprend les choses en main, il se lève énergiquement et fixe les notables autour de la table d’un regard résolu : Bien messieurs ! Nous sommes la force vive de cette nation, notre rôle est de protéger nos concitoyens et de gérer des situations de crise, comme celle–ci, alors ne nous laissons pas envahir par la panique et le désespoir, et cherchons des solutions ! Nous sauverons les cornichons, nous sauverons le pic-nic d’automne ! Je vous en fait le serment devant ce que j’ai de plus précieux, ma foi, mon honneur et ma dévotion pour le royaume !

Garmir et Thondurm se lèvent à leur tour et applaudissent bruyamment : Bravo ! Bravo ! Quel discours ! C’est impressionnant !

Onirym : oui, bon, n’en rajoutez pas trop quand même …

Garmir et Thondurm arrêtent d'applaudir et s'assoient.

Thondurm se gratte la barbe en réfléchissant : mais comment cela se fait-il qu'il n’y ait plus un seul cornichons sur tout Elvenar ? c’est un peu étrange quand même non ?

Garmir répond : c’est peut être un complot pour déstabiliser le royaume et saper le moral des troupes ?

Onirym se tourne vers Pépette et lui tend un verre d’eau. C’est vrai ça ? Comment avez-vous appris la nouvelle ? Où sont passés les cornichons ?

Pépette pose le verre sur la table et répond : je faisais ce matin ma petite tournée d’inspection, comme tous les jours …

Dans son coin, Thondurm rigole et marmonne : ha ! La curiosité maladive des fées ! Ce n’est pas qu’une légende …

Pépette lui jette un regard noir et continue, comme si de rien n’était : je faisais ma tournée d’inspection, quand je suis arrivée au jardin, derrière le palais. J’ai remarqué que le champ, entre les navets et les carottes était vide ! Plus rien ! Plus une pousse, plus un plan, plus un cornichon !

Submergée par l'émotion, Pépette s'effondre en sanglots.

Onirym : c’est quand même étrange ça … Les plantes, ça ne disparait pas comme çà !

Garmir : et surtout les cornichons ! Pourquoi ce ne sont pas les navets qui ont disparu ! personnellement j’aime pas les navets, ça a un goût bizarre, en plus …

Onirym reprend : ok voila ce que l’on va faire ! On va former deux groupes : Fribon et Thondurm, vous allez tout mettre en oeuvre pour aller chercher des cornichons, chez nos voisins, les marchands, les paysans du coin ! Chez tout le monde !

Fribon prend un air offusqué : on va quand même pas dépenser les sous du royaume pour acheter des cornichons ?

Onirym : vous préférez les payer sur vos deniers personnels ?

Fribon : ha non, pas du tout !

Onirym : donc l’affaire est entendue ! Au travail ! Pendant ce temps-là, Garmir et moi-même allons mener l’enquête concernant la disparition des pieds de cornichons …

Barre

Onirym et le Capitaine Garmir se rendent dans les jardins pour constater le désastre de leurs propres yeux. En effet il n’y a plus rien … Plus un seul pied de cornichon …

Alors qu’ils regardent le champ, vide, le jardinier du palais passe par là, une bêche sur les épaules.

Onirym l'interpelle : dites-moi mon grave, vous savez où sont passés les cornichons ?

Le jardinier se gratte la joue, l’air mi concentré mi gêné et répond : ah bin non Sir, j’en ai bin aucune idée !

Onirym : mais c’est souvent qu’il y a des légumes qui disparaissent ?

Jardinier : il y en bien de temps à autres, lorsqu’une famille de lapins décide de s’installer dans le coin, ou que dame Pépette fait une descente pour se préparer une salade … Mais sinon non et pas comme çà …

Garmir : c’est quand même étrange toute cette histoire … Je pense que c’est une conspiration des aubergistes de la cité, de la confrérie des mangeurs de côtelettes … À moins que ce ne soit un coup des Halfelings ! Oui ça doit être ça ! Ça ne peut être que eux ! Je vais chercher en ville un semi-homme tenancier qui fait partie de la confrérie des côtelettes et je suis sûr que j’aurai mon coupable !

Garmir se met à courir frénétiquement vers la cité, super content de son idée …

Onirym reste à discuter avec le jardinier : et les cornichons, vous les avez plantés quand ?

Jardinier : ohhhhh il y a bien plusieurs lunes ! Pour qu’ils soient prêts pour le grand pic-nic ! Faut qu’ils soient bien verts et croquants, c’est important çà !

Onirym : et c’est toujours la même variété que vous plantez ?

Jardinier : d’habitude oui.

Onirym : comment ça …

Le jardinier commence à avoir l’air de plus en plus gêné …

Onirym : bon mon petit père c’est le moment de cracher le morceau ! Qu’est ce qui se passe avec les cornichons ! 

Jardinier : non mais c’est que vous allez me crier dessus …

Onirym, d’une voix forte : mais c’est déjà le cas ! Allez hop ! Crachez le morceau ! Sinon je dis à Pépette que c’est vous le responsable !

Jardinier : non ! Pas à Pépette ! Je vais tout vous expliquer … Voilà, il y a quelques mois, j’ai été approché par un mage, une sorte de druide je pense … enfin un vieux avec une capuche et des pouvoirs magiques … Il m’a vendu des graines, magiques, d'après lui, qui poussent vite et demandent peu d’entretien … Ce n'est pas que je sois fainéant, mais vous savez, c’est dur de s’occuper du potager ! Faut toujours se pencher, courber le dos … Je suis plus tout jeune moi.

Onirym : elles avaient quoi de magique ces graines ?

Jardinier : je sais pas trop, je sais pas lire … Mais je peux vous montrer !

Le jardinier emmène Onirym dans la serre et commence à farfouiller … Au bout d’un moment il lui tend plusieurs sachets en papier : Tenez voici les sacs ou il avait les graines de cornichons.

Onirym prend les petits sacs et lit dessus : “Cornichons vagabonds”.

Onirym : voilà qui explique bien des choses !

Le jardinier lui tend d’autres sachets : tenez je lui ai aussi acheté ces légumes là.

Onirym lit les différents sachets se décomposant au fur et à mesure.

“Pois sauteurs”, “Carottes voraces”, “Navets grognons”, “Salades hurlantes”, "Poireaux psychopathes” …

Onirym : et vous avez tout planté ?

Jardinier : oui.

Onirym : C’est qui ce druide de malade ? Quelque chose me fait penser qu’on est pas sorti des embêtements !

 

Cet épisode a été écrit dans le cadre d'un concours d'écriture sur le forum d'Elvenar en Octobre 2022.