
Onirym est seul, comme souvent. Dans une forêt loin dans les terres du sud.
Il avance prudemment car la région grouille de bestioles étranges d’après les habitants des villages qu’il a croisé dernièrement. La présence des montagnes sauvages toutes proches y est sûrement pour quelque chose …
D’un seul coup il entend un cri !
Une voix féminine, aiguë, perchée … Des cris de peur !
Bientôt suivis par d’autres voix, non humaines celles-là … Des cris d’animaux, aigus également et nombreux …
Onirym se dirige discrètement vers l’endroit du raffut. Il s'assure que son épée glisse bien dans son fourreau et engage une flèche sur son arc court.
Dans une clairière plus loin, il voit un groupe de gobelins ! Il n'en a jamais vu, mais il n'y a aucun doute. Ils sont comme dans les légendes, ces histoires que le vieux Gorit racontait lors des veillés (1) …
Petits, la peau verte, de longues oreilles. Ils poussent des cris aigus dans leur langue incompréhensible. Ils sont armés de pics en bois, d’épées et de haches rouillées … Mais ils sont nombreux, au moins vingt ! Difficile de les compter exactement car ils sont en train de courir dans tous les sens.
Apparemment ils ont l’air content et tout excités !
Au milieu de l’attroupement gobelins, un nouveau cri se fait entendre !
La demoiselle en détresse ! Onirym l’avait presque oubliée …
Bon il n'est pas chevalier et il n'a pas la tête creuse comme tous ces guerriers stupides … Il n'a pas non plus une grosse armure ou un bouclier. La vache vingt … Et si les histoires sont vraies, les gobelins ne sont peut être pas très forts, mais ils sont vifs, rapides, et cruels ! Et nombreux …
S’il attaque il va se faire déborder c’est sûr !
Un nouveau cri : au secours ! Aidez- moi !!!
Onirym pense : flûte elle n'est pas morte … Ça aurait arrangé ma prise de décision.
Bon, quand il faut y aller, il faut y aller …

Ces nombreuses années à courir les routes et à servir dans la compagnie du furet (2) ont permis à Onirym de savoir se servir des armes et à ne pas avoir peur de prendre des coups … Mais ce n’est pas un guerrier redoutable pour autant !
Il arme son arc, vise un gobelin et tire. La peau verte tombe, raide morte.
Onirym se déplace, saute derrière un autre buisson, il arme son arc, vise et tire ! Un second gobelin tombe, mort.
Les gobelins remarquent se qui se passe. Leurs cris d'excitation se transforment en cris d'alarme …
Deux autres gobelins tombent, une flèche figée dans leur poitrine.
Un gobelin a l’air plus cruel que les autres prend les choses en main, il donne rapidement des ordres, et les gobelins s’écartent par petits groupes, direction la lisière de la clairière. Ils essayent de le repérer et de le prendre à revers.
Onirym grimpe dans un arbre et attend. Un groupe de trois gobelins passent en dessous de lui.
Il saute, épée au clair et les réduits au silence.
Les gobelins survivants prennent peur et s’enfuient dans tous les sens.
Heureusement parce qu’Onirym ne sait pas s'il aurait pu tenir à se rythme encore longtemps …
Il pense : peut-être sont-ils allés chercher des renforts ? Faut pas trainer dans le coin !
Il s'apprête à s’enfoncer dans la forêt quand il se souvient pourquoi il a fait tout ça : ah oui c’est vrai ! La demoiselle …
Il s’avance prudemment dans la clairière et arrive au milieu, où il voit une corps, une enfant peut être, aux longs cheveux violets, la peau claire … Non ce n’est pas une enfant, elle a un corps de femme malgré sa taille réduite, et surtout de grandes ailes chatoyantes dans le dos …
Onirym : flûte alors ! Un gros papillon avec des seins.
La créature lève ses yeux remplis de larmes vers Onirym et murmure : merci de m’avoir sauvé … Je ne suis pas un papillon, je suis une fée. Je m’appelle Pépette.
Quelques jours plus tard ...
Onirym dit d’un ton énervé : allez Pépette dépêche toi !!!
Pépette : attend j’ai vu une jolie fleur là bas !
Onirym : tu te rends compte qu’on a une bande de gobs aux fesses, qui nous pourchassent depuis une semaine, ils ne veulent pas lâcher l’affaire ! Alors ta fleur tu peux la prendre et te la fourrer où je pense, mais magne toi !!!
Pépette rejoint Onirym : où tu veux que je la mette la fleur ? De toute façon je ne vais pas le faire parce que je ne vais pas la cueillir, d’abord parce que c’est mal car si je cueille la fleur après elle va mourir et ensuite parce que tu m’en laisses pas vraiment le temps …
Onirym sert les dents, il souffle pour reprendre son calme et dit sur le ton le plus neutre possible : tu as conscience que s’ils nous rattrapent on va passer un mauvais quart d’heure ?
Pépette : bon fallait peut être pas les énerver …
Onirym : quoi ?
Pépette : oui fallait peut être pas les énerver en tuant leurs copains ..
Onirym : et comment voulais tu que je les fasse fuir et qu’ils arrêtent de te martyriser si j’en tuais pas quelques uns ?
Pépette : j’en sais rien moi, je dis juste que peut être il y avait une autre solution non ?
Onirym lève les yeux aux ciel : Ahhh mais qu’elle m’énerve !!! C’est pas vrai !!!
Pépette : donc faut se dépêcher pour ne pas qu’ils nous rattrapent, mais toi tu cris très fort pour leur dire où on est ? Je ne comprends pas bien là …
Après un gros soupir Onirym tourne les talons et reprend la progression sur le petit sentier. Il faut absolument qu’ils atteignent le col encore loin au-dessus d’eux avant la nuit … Sinon les gobelins vont les repérer facilement ! Il y a des chevaucheurs de sangliers avec eux …
Onirym : dit moi Pépette tu t’y connais en sanglier ?
Pépette : pourquoi ?
Onirym : pour savoir si ça a un bon flaire un sanglier … S’ils peuvent retrouver notre trace avec, comme avec des chiens ou des loups … Sauf que là eux ils ont des sangliers …
Pépette : ahhhh parle pas de chien ou de loup, ces bêtes sont très très méchantes !
Onirym : non mais c’était un exemple, moi je te parle de leurs sangliers.
Pépette : alors pourquoi tu me fais peur en parlant de chiens et de loups ?
Onirym : c’était pour l’exemple, pour savoir si leurs sangliers pouvaient nous pister comme des ch… comme les autres animaux là !
Pépette : comment voudrais tu que je sache cela ?
Onirym : je ne sais pas… C'est pour ça que je te pose la question …
Pépette : et toi tu le sais ?
Onirym : non sinon je ne t’aurais pas posé la question !
Pépette : et comment ça se fait que tu ne le saches pas ?
Onirym : elle est bizarre ta question …
Pépette : donc si tu en as finis avec tes questions, un petit peu stupides et complètement hors de propos, je vais pouvoir reprendre mon histoire !
Onirym : t’es sûre ?
Pépette : c’est toi qui m’a demandé ?
Onirym : je pensais pas qu’elle durerait quatre jours, tes explications !
Pépette : et encore j’ai pas fini, donc où j'en étais ? A oui !
A partir de là Onirym arrête d’écouter Pépette.

Il y a quatre jours, après l’avoir libérée, et avant de se rendre compte que les gobelins étaient en chasse après eux, Onirym a eu le malheur de demander à Pépette comment elle s’était retrouvée aux prises avec les gobelins et d'où elle venait. Pépette s'est alors lancée dans un récit fleuve avec moults détails et digressions, à n’y rien comprendre … Il se souvient qu’il y a une histoire de caravane, de marchands qui l’ont faite prisonnière, d’un chat qui parle, d’un bosquet avec des copines, de lapins mignons et de pleins d’autres trucs sans queue ni tête ni rapport entre eux …
Le soir, après avoir repris Pépette une dizaine de fois pour qu’elle se dépêche, ils franchissent enfin le col.
Onirym a la bonne surprise de voir en contre bas un fleuve avec même un pont ! Ca veut dire de la civilisation, donc la fin de la chasse des gobelins.
Onirym ramasse ses affaires et reprend la marche.
Pépette : on ne s'arrête pas pour manger et dormir ?
Onirym : non, une nuit de marche pour qu’on atteigne ce pont et on est sauvé !
Pépette marmonne : parle pour toi … Moi j’ai des petites jambes, je suis fatiguée et j’ai envie de regarder les étoiles ! Regarde comme la nuit est belle et comme elles brillent !
Onirym : comment tu peux avoir mal aux jambes alors que tu voles ?
Pépette : ohhhh tu m'énerves !
Pépette s’assoit sur un rocher, les bras en croix et boude.
Onirym : quoi ? C’est moi qui t’énerve ! C’est le monde à l’envers !!!
Pépette : la la la je t’écoute pas !!! Oh les belles étoiles !!!
Onirym : oh !!!! Les beaux gobelins qui vont venir te botter l’arrière train !!!
Pépette : pfff c’est n’importe quoi ! Si ça se trouve il n'y a même pas de gobelins qui nous poursuivent ! Tu fais tout ce charivari rien que pour m'embêter et me contrarier ! De toute façon tu es méchant avec moi depuis le début ! Et puis tu manges des animaux, c’est dégoûtant !
Au loin, les grognements des sangliers se mêlent aux cris stridents des gobelins.
Onirym : merde ils ont retrouvé notre trace ! On file !
Pépette : pas avant que tu m’ais présenté des excuses ! Je suis une fée bien élevée et précieuse, mes oreilles ne supportent pas les mauvais mots que tu prononces !
Onirym : Ah mais qu’est ce que tu es chiante !!! Onirym attrape Pépette par la taille et se met à courir.
Plusieurs heures plus tard, dans la nuit noire, Onirym et Pépette arrivent enfin au bord de la rivière. Pépette n’a pas arrêté de se plaindre de tout le trajet.
Onirym : ahhh écoute Pépette ça suffit !!! Tu es insupportable !!! Je comprends pourquoi ces gobelins te tapaient dessus !!!
Pépette : oui bien si tu m’as sauvé pour ensuite passer ton temps à me crier dessus, c’était pas la peine !
Onirym : je pense que le mieux à faire c’est qu'on se sépare ici ! Tu vois ce pont ? Toi tu le traverses et tu files tout droit ! Loin de moi ! Et moi je vais par là en espérant qu’une rivière et la distance entre nous apaise cette envie que j’ai de te mettre des baffes tellement tu es insupportable !
Pépette : oui et bien en effet c’est ce que l’on a de mieux à faire, alors au revoir monsieur ! Je ne vous remercie pas pour le traitement que vous m’avez fait subir ces derniers jours !
Onirym : je t’ai juste sauvé la vie …
Pépette : oh celle là je vais l’entendre encore combien de temps ! Bon par contre, pourquoi se serait moi qui traverserais le pont et irais de l’autre côté de la rivière et toi qui resterais ici ? Pourquoi pas l’inverse ?
Onirym : parce que de ce côté ci il y a les gobelins …
Pépette : mais bien sûr ! On en revient encore à eux… Je m’en vais, mais je vais te laisser un dernier conseil : t'es un brin monomaniaque comme garçon ! Fais quelque chose sinon tu vas rester tout seul toute ta vie !
Et c’est avec un grand soulagement qu’Onirym voit la fée traverser le pont.
Il pense : Oh la vache ! J’espère plus jamais la revoir celle-là ! C’est dingue comme elle me tape sur les nerfs !